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Violences politiques -GUINEE-

27 décembre 2009 7 27 /12 /décembre /2009 18:02

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Sans coup d’éclat ni grande surprise, le numéro trois de la junte a pris la tête du pays. Ce métis, réputé féroce au combat, a été jusqu’ici avare en déclarations. L’opposition et la communauté internationale lui octroient une sorte de période probatoire.

 

Le 15 décembre, le général de brigade Sékouba Konaté mettait fin à « toutes les motions et autres manifestations de soutien ». Une façon de mettre un terme à la surenchère des démagogues et clientélistes de tout poil qui riva­lisaient d’ardeur, de communiqués et ­­de phrases choc pour dénoncer la tentative d’assassinat de Dadis. Une façon aussi de montrer qu’une page est tournée. ­­Le pouvoir à Conakry a bel et bien changé de mains.


Soigné au Maroc
, le chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, ne s’est toujours pas exprimé depuis le 3 décembre, date à laquelle son aide de camp, Aboubacar « Toumba » Diakité, lui a tiré dessus. La balle se serait logée dans la nuque, selon Toumba, interrogé par RFI. Malgré les communiqués rassurants, personne n’a eu de nouvelles fiables de l’état de santé du capitaine Camara, que certains disent incapable de reprendre son poste.


Surnommé « le Tigre » par ses compagnons d’armes du fait de sa férocité au combat, et « Parousky » par ses amis d’enfance avec lesquels il jouait au football, le nouvel homme fort de Guinée n’a pas tardé à occuper le fauteuil laissé vacant ­à la tête du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) et de l’État. Et à imposer son autorité. 


Respect de la hiérarchie

Arrivé précipitamment le 4 décembre à Conakry, en provenance du Liban, où il se trouvait en mission, il a fait, cinq jours plus tard, une tournée remarquée à travers les garnisons du pays. « Le principal problème de notre armée, c’est le manque de respect pour la hiérarchie. Aucun acte d’indiscipline et d’insubordination ne sera plus toléré. Je ne caresserai aucun militaire dans le sens du poil », a-t-il prévenu, parfaitement conscient d’avoir affaire à une armée totalement déstructurée.

Projeté sur le devant de la scène, hostile à la prise de parole en public, « le Tigre » est connu pour être réfractaire à certains accommodements avec les règles. Il s’est ainsi ouvertement plaint, début septembre, auprès de Dadis, du comportement de Toumba, accusé d’avoir fait arrêter et torturer des militaires soupçonnés d’être hostiles au chef de la junte. 


Craint de tous

Au lendemain des événements du 28 septembre, qui a fait au moins 150 morts, Sékouba Konaté a ordonné l’arrestation de Toumba, considéré comme l’un des principaux responsables de ce massacre. L’ordre n’a pu être exécuté, Dadis s’étant interposé pour protéger son aide de camp. Celui qui, quelques semaines plus tard, allait lui tirer une balle dans la tête.


Le nouveau patron du CNDD est craint dans les rangs aussi bien des militaires que des civils au gouvernement. Dès qu’il a pris les commandes, il s’est attaché à marquer son territoire, commençant par mettre au pas les proches de Dadis, qui, il y a peu, s’arrogeaient toutes les libertés. Ses premières cibles : le colonel Moussa Keïta, secrétaire permanent du CNDD, et le volubile Idrissa Chérif, ministre de la Communication. Tous deux s’étaient empressés de déclarer que le travail gouvernemental s’interrompait, « jusqu’au retour au pays du chef de l’État, Moussa Dadis Camara ». Ils avaient aussi unilatéralement décidé de
suspendre toute participation aux pourparlers avec l’opposition conduits par le médiateur Blaise Compaoré.


Non content d’avoir démenti cette prise de position, Konaté a décidé que ses deux auteurs, qui représentaient jusqu’ici le CNDD aux négociations, devaient se mettre en retrait. Moussa Keïta et Idrissa Chérif n’ont pu prendre part à la 9e session du Groupe international de contact sur la Guinée, le 13 décembre à Ouagadougou, qu’après avoir accepté que la délégation soit conduite par Kélétigui Faro, secrétaire général à la présidence, plus modéré au goût du nouvel homme fort du pays. 


Plus conciliant

Soucieux de rassurer, Konaté ne veut plus des prises de position va-t-en-guerre, comme celle accusant la France d’avoir commandité l’assassinat de Dadis ou celle menaçant la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) de représailles militaires si elle envoyait à Conakry une force de protection de la population civile. Sur le même ton, plus conciliant, le ministre des Affaires étrangères, Alexandre Cécé Loua, a déclaré chercher « une sortie de crise rapide et consensuelle ».


Sékouba Konaté s’attelle à mettre fin à la cacophonie et à la surenchère ­verbale au sein du camp présidentiel : le 12 décembre, il a ordonné aux ministres et membres du cabinet présidentiel de discuter avec le Premier ministre, Kabiné Komara, avant d’émettre des avis publics. Il semble que le général, contraire­ment au capitaine Dadis Camara, veuille redonner un rôle et une mission au Premier ministre, qui peu à peu avait été dépouillé de ses prérogatives. Signe des temps, la primature, jadis vide, est aujourd’hui de plus en plus fréquentée par ceux-là même qui remplissaient la salle d’attente de Dadis. Les ministres s’y rendent pour discuter de dossiers et prendre des instructions.


Celui qui s’est retrouvé aux premières loges sans l’avoir vraiment cherché, a décidé de ne pas s’encombrer des dossiers qu’il ne connaît pas et semble prêt à déléguer. Ce fils d’un Malinké et d’une Libanaise est un militaire de carrière, formé à l’Académie royale militaire de Meknès, au Maroc, à l’École d’application de l’infanterie de Montpellier, puis à l’École des troupes aéroportées de Pau, en France. Il a choisi de laisser au chef du gouvernement la gestion au quotidien de l’État afin de mieux se concentrer sur les questions de défense et de sécurité.


Dans ce domaine, les Guinéens lui re­­­connaissent des compétences. Respecté au sein de la troupe, il contrôle le Bataillon autonome des troupes aéroportées (Bata), l’unité la mieux équipée et la plus redoutée, qu’il a commandé jus­qu’au
coup d’État du 23 décembre 2008. Mais aussi les Rangers avec lesquels il a fait le coup de feu à Macenta en 2000, pour repousser les rebelles venus du Liberia.


Il a aussi de bons relais chez les gradés avec, pour alliés, Oumar Sanoh, chef d’état-major de l’armée et ancien de Meknès, et le commandant
Claude Pivi, populaire auprès des jeunes soldats.

« Le Tigre » a également dans son réseau les hommes d’affaires libanais Roda Fawaz, nommé en septembre consul de la Guinée au Maroc, et Ali Saadi, actuel consul honoraire de ­­­la Guinée au Liban. Il est également ­proche du Guinéen Kerfalla Person Camara alias KPC, lequel est en train d’exécuter un marché de 500 milliards de francs guinéens (70 millions d’euros) pour la reconstruction de casernes.


Le nouvel homme fort de la Guinée est également entouré de ses amis d’enfance : le directeur du Fonds minier, Laye Keira, son alter ego de la Caisse nationale de sécurité sociale, Baïdy Aribot, le policier Mounir Cissé, directeur adjoint du protocole à la présidence, devenu son homme de main.


Période probatoire

Sékouba Konaté bénéficie d’une période probatoire. À l’intérieur, comme à l’extérieur, on attend de le voir à l’ouvrage. S’il rassure par son style effacé et son apparent manque d’ambitions politiques personnelles, il sera jugé sur les actes. Échaudés par le revirement d’un Dadis Camara, d’abord porté aux nues puis conspué, les Guinéens restent prudents. Pour le moment « le Tigre » s’attache à ne braquer ni l’opposition ni les chan­celleries occidentales.


Des difficultés subsistent toutefois sur son chemin. Les proches de Dadis (Boubacar Barry, ministre chargé du patrimoine, Papa Koly Kourouma, ministre de l’Environnement, Idrissa Chérif, Moussa Keïta…) pourraient user de leur capacité de nuisance pour ne pas être marginalisés. Reste Aboubacar « Toumba » Diakité, réputé pour avoir des hommes dévoués.
Traqué depuis qu’il a tiré sur Dadis, l’homme n’est pas non plus décidé à se rendre. Accusé par des dizaines de témoins de porter une lourde responsabilité dans le drame du 28 septembre, il risque de se comporter en jusqu’au-boutiste et, si la normalisation devait se faire, de venir jouer les trouble-fêtes.


Source jeune afrique

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