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Violences politiques -GUINEE-

21 octobre 2009 3 21 /10 /octobre /2009 23:30


DECLARATION
DE SON EXCELLENCE
MONSIEUR LE PREMIER MINISTRE
AU SUJET DE LA COMMISSION D’ENQUETE INTERNATIONALE

Chers Compatriotes,

Vous vous souviendrez qu’au lendemain des évènements du 28 septembre 2009, le Président de la République avait lancé un appel dans lequel il réclamait entre autres la mise sur pied d’une Commission d’Enquête Nationale et Internationale.

Faisant suite à cet appel, le Secrétaire Général des Nations Unies vient de dépêcher, auprès des autorités guinéennes, une mission de haut niveau pour proposer les conditions de l’envoi d’une Commission d’Enquête Internationale.

Certains pourraient s’interroger sur le bien fondé d’une telle initiative.

Comme vous le savez, nous sommes encore sous le choc de l’indicible tragédie qui a endeuillé notre peuple le 28 septembre dernier. Comment pouvons-nous être autrement devant le nombre de ces vies précocement fauchées, de ces femmes meurtries, de ces blessés traumatisés ou de ces édifices et ces biens saccagés ? L’image et la crédibilité de notre pays ont été profondément ternies par cet acte que nous Guinéens, sommes les premiers à condamner comme contraire à nos valeurs morales et sociales.

Au nom du Gouvernement, je m’incline pieusement une fois de plus devant la mémoire des morts et souhaite que la terre de Guinée, leur chère patrie, leur soit légère. Je prie le Tout Puissant Allah que nos frères blessés recouvrent rapidement la santé.

Chers compatriotes,

Au-delà de nos consciences individuelles ébranlées, de nos émotions légitimes, de nos doutes compréhensibles sur l’avenir, je reste convaincu que si nous nous ressaisissions honnêtement de cette horrible épreuve, pourrait naître, avec l’aide de Dieu, un pays fraternel où nos fautes d’aujourd’hui serviront de garde pour bâtir une Guinée de justice et de paix.

La justice est le contraire de l’impunité et la condition première de la paix.

C’est l’impunité que nous avons trop longtemps entretenue chez nous qui a conduit aux multiples tragédies que nous regrettons.

C’est pourquoi, mettre fin à l’impunité devient indispensable par la recherche et l’identification des coupables. Ces enquêtes doivent être menées par une structure au dessus de tout soupçon pour réhabiliter notre pays, comme un pays de droit à nos yeux de Guinéens d’abord et aux yeux de la Communauté Internationale ensuite.

Et c’est le lieu et le moment pour moi de vous exhorter, tous et toutes, à nous débarrasser de l’esprit de nationalisme étroit qui pourrait nous amener à nous renfermer sur nous-mêmes sous prétexte que nous avons les moyens internes de conduire ce travail de recherche, d’identification et d’enquête dans la sérénité et l’impartialité nécessaire à la manifestation de la vérité. Si nous ne saisissons pas la main tendue du Secrétaire Général des Nations Unies, des soupçons entacheront notre volonté de justice, nous serons vite taxés de vouloir entraver la manifestation de la vérité pour des raisons obscures. Ce n’est pas dans l’intérêt du pays. C’est pourquoi, pour créer les vraies bases d’une enquête susceptible d’être acceptée par tous, le Gouvernement a accueilli avec tout le soutien qu’il faut l’initiative du Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur Ban Ki Moon, qui a ainsi répondu à l’appel du Président de la République pour la mise en place d’une Commission d’Enquête Internationale.

Quand bien même une Commission Nationale d’Enquête a déjà été créée, il faut considérer la mise sur pied d’une Commission d’Enquête Internationale comme une formidable opportunité. Il ne s’agit pas de mettre en cause la valeur des magistrats et des officiers de police de notre pays. Ils sont nombreux ceux dont l’intégrité et la compétence sont reconnues. Ces qualités ne pourraient qu’être mises en œuvre avec l’apport de leurs collègues étrangers.

Ainsi cette initiative du Secrétaire Général des Nations Unies est la preuve de l’intérêt manifeste de la Communauté Internationale de nous aider à panser nos plaies pour nous engager très rapidement dans la voie de la réconciliation.

En ma qualité de Chef du Gouvernement, j’invite toutes les structures qui seront concernées par le travail de cette Commission d’Enquête Internationale à ne manager aucun effort pour lui apporter tout l’appui nécessaire afin que sa mission se déroule avec efficacité et diligence.

Chers Compatriotes,

Le plus grand défit qui interpelle aujourd’hui le peuple de Guinée et ses leaders de tous bords est de savoir garder la raison et surtout de ne pas perdre de vue l’intérêt supérieur de la nation.

Ceci est valable pour toutes les ethnies qui ont toujours vécu en harmonie et pour toutes les catégories socio professionnelles dont la sueur et non le sang crée la richesse du pays.

C’est pourquoi, je persiste à croire que les femmes de Guinée si soucieuses de la paix se battront encore pour éteindre les feux ; que les jeunes de Guinée, si désireux de forger un avenir radieux, et innocentes victimes de nos inconséquences, se battront désormais contre les affres de la désunion et des divisions archaïques ; que les sages et religieux de Guinée, sollicitant continuellement la miséricorde divine, ne se lasseront jamais de prêcher l’entente dans la justice ; que l’armée guinéenne, composée de soldats patriotes, restera attachée aux valeurs de défense des intérêts supérieurs de la nation qui font l’honneur d’une armée républicaine.

Chers Compatriotes,

Certains se poseront la question de savoir si le Gouvernement aura la détermination de soutenir jusqu’à son terme les travaux de cette Commission d’Enquête Internationale à un moment où certains membres ont démissionné.

A cet égard, je voudrais être très clair :

La démission de membres du Gouvernement, tout en n’étant pas souhaitable à certains moments, est tout à fait normale ; car il s’agit de personnes libres qui, pour des raisons qui leur sont propres, ont estimé ne plus être à mesure de continuer leur mission. Pour ceux qui restent à bord, c’est un choix personnel. L’essentiel sera pour ceux-là de resserrer les rangs et de continuer à protéger les intérêts supérieurs de l’Etat et de la Nation.

Pour ma part donc, je tiens à confirmer que je reste dans l’esprit des engagements que j’ai annoncés lors de ma prise de fonction, à savoir, servir en toute neutralité, sans esprit partisan, mon pays dans le cadre d’une transition menant le peuple de Guinée à se doter de dirigeants qu’il se sera choisi librement. Je savais et je sais que bâtir un Etat de droit véritable après 50 ans de balbutiements ne serait pas sans difficulté.

Et comme je l’ai dit tantôt, aujourd’hui ma situation ressemble à celle d’une personne qui se trouve à bord d’un navire dans lequel deux groupes de sa famille sont en désaccord grave, créant un incendie qui menace de faire chavirer le navire au fond de l’abîme ; deux choix s’imposent donc à elle :

- le premier est de chercher à sauver sa tête, en me jetant à l’eau et en laissant le navire en feu ;

- le second est d’avoir le courage, avec toutes les personnes de bonne volonté, d’éteindre le feu et à ramener les uns et les autres à tirer les leçons de la catastrophe, puis les réconcilier par la recherche concertée des voies et moyens permettant d’éviter une pareille catastrophe.

C’est ce deuxième choix que j’ai fait sans héroïsme ni complaisance.

C’est dans le cadre de ce choix que pour la manifestation de la vérité, comme facteur indispensable pour sortir de la crise actuelle, que nous avons confirmé par écrit aux Nations Unies notre détermination à soutenir la Commission Internationale d’Enquête.

Guinéennes et Guinéens,

Nous sommes à la croisée des chemins. Malgré la complexité de la situation actuelle, notre pays peut encore rebondir, j’en suis sûr. Les atouts internes existent et l’attention de la Communauté Internationale est bienveillante, quoi qu’on en dise.

Cette Communauté internationale nous propose aujourd’hui à travers l’Union Africaine et la CEDEAO, la médiation du Président Blaise COMPAORE dont l’expérience en la matière n’est plus à démontrer.

Bientôt, les différentes parties seront appelées à se retrouver sous l’égide du Médiateur.

J’implore instamment chacun des protagonistes de ne pas se rendre à l’appel avec la seule détermination de n’imposer que son point de vue, au risque de tenir le pays en otage et d’aggraver les conditions de vie déjà difficiles de nos populations. Tout dialogue réussi suppose que les parties en présence soient animées d’une sincère volonté de construire un édifice commun où le droit et la justice garantiront la paix.

Je formule le vœu ardent que chacun de nous où qu’il soit apporte une brique solide à la construction de cet édifice que nous recherchons tous et que chaque Guinéen réclame de tous ses vœux.

Je vous remercie, chers compatriotes.

Que Dieu bénisse notre pays.

Conakry, le 21 octobre 2009

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