Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Violences politiques -GUINEE-

22 octobre 2009 4 22 /10 /octobre /2009 14:06

albert_bourgui.jpg

Un conseiller non officiel de l'Elysée peut-il avoir la tête d'un ministre français? Oui, si l'on en croit Robert Bourgi, cet avocat libanais chiite, - dernière? - émanation de la Françafrique.

Emissaire autoproclamé de l'Elysée ou véritable conseiller de l'ombre de la présidence française pour les questions africaines? Robert Bourgi, avocat chiite libanais, né à Dakar en 1945, aime plutôt à se définir, encore récemment dans Le Monde, comme "un ami très écouté de Nicolas Sarkozy". Un diplomate, spécialiste de l’Afrique, évoque, lui, le rôle "semi-public" de Robert Bourgi. C'est en cette qualité, non définie donc, qu'il est intervenu lundi matin sur l'antenne de RTL. Au micro, l'avocat a fait deux assertions: non, la France n'a pas soutenu le fils Bongo au Gabon, oui l'Elysée a bien remercié l'ancien secrétaire d'Etat à la Coopération, Jean-Marie Bockel, à la demande d'Omar Bongo.

La première déclaration permet de calmer le jeu, alors que le choix de dizaines de Gabonais de s'en prendre à des cibles françaises après l'annonce de la victoire d'Ali Bongo interpelle. Et ce d'autant plus quand, à la veille de l'élection, Robert Bourgi déclarait, dans les colonnes du Monde: "Au Gabon la France n'a pas de candidat, mais le candidat de Robert Bourgi, c'est Ali Bongo. Or, je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy. De façon subliminale, l'électeur le comprendra." L'avocat, s’apercevant qu'il avait été trop loin, aurait, selon une source diplomatique bien informée, décidé, de lui-même, de livrer le message officiel de la France. "La France n'est intervenue ni avant le processus électoral, ni pendant, ni après", a-t-il assuré sur RTL, à la suite de Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner et Alain Joyandet.
"C’est la technique de Bourgi"

Mais chassez le naturel, il revient au galop. Robert Bourgi, souvent présenté par les gens qui l'ont côtoyé comme quelqu'un qui aime faire valoir son influence, n'a pas pu s'empêcher d'être ce qu'il est: un homme de réseaux. L'avocat a donc confirmé ce que l'on supposait déjà: selon lui, feu Omar Bongo a obtenu la tête du secrétaire d'Etat à la Coopération qui voulait "signer l'acte de décès de la Françafrique", à savoir Jean-Marie Bockel. Robert Bourgi raconte: "Je suis allé voir le président de la République (…) et je lui ai passé le message ferme et voilé de menaces du président Bongo. Et il m'a dit: écoute, dis à Omar et aux autres chefs d'Etat que M. Bockel partira bientôt et sera remplacé par un de mes amis." Peu après, à l'occasion d'un premier remaniement ministériel, Jean-Marie Bockel était effectivement envoyé aux Anciens combattants - avant d’occuper le poste, obscur, de secrétaire d'Etat à la Justice - et Alain Joyandet, un proche de Nicolas Sarkozy, le remplaçait à la Coopération. Cette affaire serait, selon un fin connaisseur du dossier, typique du fonctionnement de Robert Bourgi. L'avocat n'aurait pas hésité à amplifier la colère suscitée à Libreville par les propos de Bockel. "C'est la technique de Bourgi. Soit il crée des problèmes là où il n'y en a pas, et après il dit qu'il les a résolu. Soit il exagère les problèmes", a confié cette source au JDD.fr.

Mais cette "anecdote" très médiatique pourrait lui valoir la colère de Nicolas Sarkozy. En disant tout haut ce que tout le monde soupçonnait, Robert Bourgi pourrait bien s'être mis en difficulté. L'intérêt d'un intermédiaire ne réside-t-il pas en effet dans sa discrétion? Selon cette même source, cette affaire marque d'ailleurs les derniers soubresauts de la Françafrique. En attendant cette échéance, elle donne surtout l'impression sinon d'un retour aux anciennes pratiques – initiées par Jacques Foccart sous de Gaulle et dont Robert Bourgi n'hésite pas à revendiquer l'héritage – du moins d'une jolie contradiction entre la politique officielle de Nicolas Sarkozy en Afrique - "rompre avec les pratiques du passé", disait-il dès 2006 – et la réalité. Sous couvert d’anonymat, un spécialiste de l'Afrique confirme et évoque l'existence de deux diplomaties: d'un côté, la cellule Afrique de l'Elysée, de l'autre, "les réseaux informels Guéant-Bourgi". Un système parallèle qui exaspère d’ailleurs bien des conseillers de la cellule élyséenne. Il se dit ainsi que le récent départ de Bruno Joubert, le Monsieur Afrique de Nicolas Sarkozy, pour l’ambassade de France au Maroc, ne serait pas étranger à ses relations exécrables avec Robert Bourgi.
Le mystérieux voyage de Joyandet

Claude Guéant aurait élaboré ces réseaux informels lorsqu'il était le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur, en renseignant ces chefs d’Etat africains sur l’activité de leurs opposants en France, par exemple. C'est d'ailleurs le secrétaire général de l'Elysée qui a accompagné le nouveau secrétaire d'Etat à la Coopération, Alain Joyandet, à Libreville, peu après sa nomination rue Monsieur. Robert Bourgi assistait à la rencontre avec Omar Bongo. Nicolas Sarkozy, peu au fait des questions africaines, se serait donc laissé convaincre de l'utilité de l’avocat libanais. Il lui a d'ailleurs remis la Légion d'Honneur le 27 septembre 2007. Selon plusieurs sources, il l'aurait toutefois fait à la demande du gouvernement Villepin, sur insistance du ministre du Commerce de l'époque, Renaud Dutreil. Reste que les mots choisis ce jour-là par Nicolas Sarkozy sont sans équivoque: "Je sais, cher Robert, pouvoir continuer à compter sur ta participation à la politique étrangère de la France, avec efficacité et discrétion."

C'est aussi Robert Bourgi que le président français aurait choisi pour initier Alain Joyandet aux subtilités de la politique française en Afrique. "Ce nouveau ministre prendra ton attache, ne sois pas étonné, et quelque part, tu l'initieras à l'Afrique", lui aurait dit Nicolas Sarkozy, a assuré l'avocat lundi sur RTL. C'est lui aussi qui aurait suggéré au président de la République d'envoyer le décidemment docile Alain Joyandet en Guinée Equatoriale peu avant l'élection présidentielle gabonaise. Ce voyage, effectué dans le plus grand secret, aurait eu pour objectif de convaincre le président Teodoro Obiang de mettre fin à son soutien financier à l'opposition gabonaise, a appris leJDD.fr. Interrogé jeudi matin, le secrétariat à la Coopération se contentait de préciser "qu’il n’est pas fait mention de ce voyage dans l’agenda d’Alain Joyandet", avant de confirmer, quelques heures plus tard, que le secrétaire d'Etat s'était bien rendu en Guinée équatoriale mi-août, pour rencontrer le président Obiang et parler, entre autres, de la sécurité dans le Golfe de Guinée, expliquant cet "oubli" dans l'agenda par la période des vacances.

Mais est-ce la seule méconnaissance supposée des dossiers africains de Nicolas Sarkozy qui est à l'origine du retour en force de Robert Bourgi? Plusieurs journaux ont évoqué un possible lien financier entre le président et le clan Bongo. Robert Bourgi "lâchera le protégé de Jacques Chirac [Dominique de Villepin, ndlr] le jour où il comprendra que celui-ci n'a aucune chance de l'emporter à la présidentielle", écrit Le Monde dans son édition du 29 août, avant de citer un Chiraquien: "Bourgi a ramené à Sarkozy la ration d'aide financière prévue pour Villepin de la part de Bongo et de Sassou Nguesso [le président du Congo Brazzaville, ndlr]". Des accusations qui rappellent celles formulées par Valéry Giscard d'Estaing en juin dernier, peu après la mort d'Omar Bongo. L'ancien président avait alors affirmé que "Bongo soutenait financièrement Chirac". Aujourd'hui, c'est un chiraquien qui accuse. Un juste retour des choses?

Partager cet article
Repost0

commentaires