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Violences politiques -GUINEE-

19 janvier 2010 2 19 /01 /janvier /2010 11:42


De passage à Conakry pour quelques jours, l'ancien champion du monde de boxe Lansana Béa Diallo suit de près la situation politique en Guinée.Après le ring, l'enfant terrible de la boxe s'apprête à descendre dans l'arène politique guinéenne.Peu avant son départ pour Bruxelles samedi soir, nous l'avons rencontré à son domicile de Conakry, où Béa Diallo très détendu, nous explique sa vision de la Guinée.Entretien exclusif sur Africaguinee.com...

Africaguinee.com : Bonjour Monsieur Béa Diallo. J'imagine c'est une joie pour vous de retrouver notre pays, malgré cette crise que nous traversons. Peut-on savoir les raisons de votre séjour en Guinée ?

Lansana Béa Diallo :
Effectivement ! Je suis très heureux de retrouver mon pays malgré la crise qu’il traverse aujourd’hui. Le but de mon voyage est de venir participer à cette démocratie qui est en phase de se mettre en place : cet espoir qu’on nous donne.

L’objectif est de venir faire une proposition de sortie de crise en même temps lancer un grand mouvement qui va nous permettre de mobiliser les jeunes autour d’un projet commun pour unir les jeunes. C’est de dire aux jeunes d’arrêter d’être divisés, que cet avenir leur appartient et que s’ils veulent le changer, il faut qu’ils bougent, il faut qu’ils soient plus unis quelque soient leurs ethnies.

A travers ce mouvement, on va initier des projets d’insertion d’emplois pour les jeunes et les femmes. Parce que les jeunes et les femmes n’ont pas d’emplois en Guinée. Les jeunes et les femmes ont été sacrifiés depuis des années comme s’ils n’avaient pas d’avenir dans notre pays.

Depuis quelques temps, vous ne cachez pas vos ambitions politiques en Guinée. Quelles solutions préconisez vous pour une sortie de crise dans notre pays ?

Non ! Je n’ai aucune ambition politique en Guinée. Du moins pas pour l’instant. Je suis simplement un Guinéen qui a réussi à l’extérieur. Je suis aujourd’hui dans les institutions Européennes les plus importantes.

Je suis député au parlement Belge. J’ai donc une réelle expérience politique. J’essaie donc d’apporter à mon pays mon expérience, mon expertise et ma solution pour une sortie de crise.

Si ce n’est pas maintenant à quand donc peut on s’attendre à votre candidature à la magistrature suprême de la Guinée ?

Ce sont les jeunes de Guinée qui me demandent de présenter ma candidature aux élections Présidentielles. Je pense que puisqu’ils me le demandent, je le ferai un jour. Il ne faudrait pas que les jeunes et les femmes continuent à être oubliés.

Justement, avez-vous des projets concrets pour l’émancipation des jeunes et des femmes de votre pays que vous prétendez oubliés ?

Dans le plan de sortie de crise, nous avons proposé notamment qu’il y ait un tiers de femmes et un tiers de jeunes de 25 à 45 ans. On a vraiment envie qu’il y ait un équilibre dans ce gouvernement de transition.

Quant à moi, j’ai dit aux jeunes de ne pas perdre de l’espoir. Je leur ai promis qu’à travers un mouvement, nous allons essayer de trouver des financements qui vont nous permettre de les accompagner à travers des projets concrets que nous mettrons en place très bientôt.

J’ai beaucoup de projets pour aider les jeunes. C’est la corruption qui nous cause d’énormes problèmes. Aujourd’hui en Guinée si on finance un projet, 95% des fonds rentrent directement dans les poches des gens. Donc nous sommes obligés de commencer par des projets de formations, de sports, d’informatique… C’est pour cela que nous avons créé le MGN.

Parlez-nous de ce MGN…

Le MGN est un mouvement pour une Guinée nouvelle. Le but de ce mouvement est de s’investir avec des vrais projets. Moi je trouverai des financements en Europe pour l’intérêt de notre société.

Comment avez-vous accueilli les accords de Ouagadougou du 15 janvier 2010 sur la transition en Guinée ?

J’étais heureux comme tous les Guinéens. Je me suis dis que les actions de la communauté internationale ont enfin porté fruits. Je me suis dit aussi que le Général Sékouba Konaté a tenu le coup.

On a fait comprendre à cette branche infiniment petite de l’armée, qu’elle est obligée d’abdiquer et qu’elle ne peut pas résister à la volonté de la population de changer les choses. C’est donc avec un grand bonheur que j’ai accueilli ces accords.

Maintenant que ces accords sont obtenus, qu'est ce qui nous reste encore à faire selon vous pour que cette transition réussisse ?

C’est d’être unis ! A présent la balle est dans notre camp. Il faut maintenant faire des bons choix en mettant l’intérêt de la nation au dessus de tout.

Au niveau de l'opposition, les tractations continuent pour le choix du futur Premier Ministre. Votre pronostic...

Pour moi si les forces vives n’arrivent pas à s’entendre, elles vont s’affaiblir. Si elles proposent deux ou plusieurs candidats et demandent au Président intérimaire de faire son choix elles s’affaiblissent. Les forces vives doivent s’unir et s’entendre sur un seul candidat.




Quels sont les leaders politiques et les membres de la junte et du gouvernement que vous avez rencontré depuis que vous êtes en Guinée ?

Ici j’ai rencontré Hadja Rabiatou Sérah Diallo, secrétaire général de la confédération national des travailleurs de Guinée (CNTG) ; Colonel Moussa Keïta, ministre secrétaire permanent du CNDD et tant d’autres.

Mais avant de venir en Guinée j’avais déjà rencontré quelques leaders politiques notamment Ibrahima Abé Sylla de la NGR, Mouctar Diallo des NFD, Aboubacar Sylla de l’UFC…

Quels conseils leur avez-vous donné pour une sortie de crise en Guinée ?

Je leur ai dit que ce n’est plus le moment de penser à soi. Je leur ai demandé de penser au peuple et de mettre l’intérêt de la nation au dessus des ambitions personnelles.

J’espère maintenant qu’ils vont bien réfléchir et s’entendre sur une personne neutre, compétente, idéale… qui aime notre patrie et qui nous permettra d’avoir d’élections libres, transparentes et crédibles.

Selon vous quel rôle l'ancien Président Lansana Conté a-t-il joué dans la crise Guinéenne actuelle ?

C’est ce que nous vivons aujourd’hui. Le rôle qu’il a joué est là, on le constate. Il est clair que Lansana Conté a joué un rôle négatif et très néfaste. Mais tous les Guinéens sont responsables parce que nous l’avons tous encouragé ou laisser faire. Quand Dadis Camara aussi est arrivé, on l’a applaudi. Donc c’est la faute de tous les Guinéens.

A votre avis, par quoi devons nous commencer entre les élections législatives et présidentielles ?

Pour moi il faut commencer par les élections Présidentielles. Commencer par les élections législatives va nous retarder. Parce qu’il y a plus de 100 partis politiques. Cela veut dire plus de 12 mille candidats. On y passera trois ans au moins.

On fait d’abord les élections Présidentielles pour se débarrasser du gouvernement de transition et puis aller tranquillement aux législatives. A mon avis c’est incontestable : Présidentielles d’abord, législatives ensuite.

Y a-t-il pas de risques que le Président élu joue à sa faveur pour obtenir un énorme pourcentage au parlement ?

Je ne crois pas ! Puisqu’on a décidé de tout changer et d’évoluer positivement. Si on travaille bien sur la constitution, on change les règles, on réduit les pouvoirs du Président… cela n’arrivera pas.

Sur quelles priorités notre prochaine constitution doit-elle se baser pour instaurer une vraie démocratie en Guinée ?

Il faut baisser la limite d’âge des candidats. Il faut aussi limiter les mandats à deux au maximum.

Cela est-il suffisant pour empêcher le Président de la République, de s’accrocher lui aussi indéfiniment au pouvoir par des referendums ou des modifications de la constitution ?

Si c’est un vrai démocrate qui vient au pouvoir, s’il fait deux mandats, il partira. Il ne s’accrochera pas. Il y aura beaucoup d’autres moyens de servir son pays s’il en a envie. Mais cela dépendra de la culture que nous sommes entrain d’inculquer aujourd’hui en commençant à comprendre que le pouvoir c’est le peuple.

Cette ampleur que je vois aujourd’hui montre que nous allons réellement vers une vraie démocratie. Après un mandat, si le peuple n’est pas satisfait d’un Président, je suis sûr qu’il va pouvoir l’enlever.

Depuis beaucoup d’années vous êtes député au parlement Belge. Comment avez-vous expliqué à la jeunesse Belge les massacres en Guinée au cours de ces dernières années ?

Quand on a vu ces massacres et ces viols, les jeunes Belges se sont posés beaucoup de questions. Ils se sont demandés comment est-il possible qu’au XXIeme siècle des choses aussi horribles puissent être commises dans un pays qui se dit "Etat de droit".

Les jeunes de la Belgique se sont massivement mobilisés pour inviter la communauté internationale à réagir. En Europe, nous avons déjà mis en place des ONG pour soutenir les femmes victimes de viol.

Actuellement la coupe d’Afrique des nations (CAN 2010) se joue en Angola. Notre équipe nationale est absente à cette plus grande compétition continentale. En tant qu’ancien sportif, quels sont les problèmes de notre football ?

Nos joueurs ont assez de problèmes : ils ne peuvent pas combiner les études et le sport ; ils sont indisciplinés ; ils n’ont pas de bonne éducation ; ils ne mouillent pas leurs maillots pour la nation ; ils ne cherchent que l’argent, dès qu’ils sont riches, c’est fini, pour eux ils ont atteint leurs objectifs...

Que faut-il donc pour faire décoller le sport Guinéen, selon vous en tant que champion du monde ?

Investir beaucoup plus dans la formation et l’éducation pour avoir des talents dans 10 ou 15 ans. Arrêter d’accorder plus d’importance à l’actuelle équipe. La formation et l’éducation sont les bases fondamentales de tout.

Pour changer et faire évoluer le football guinéen il faut éduquer les jeunes, mettre en place des centres de formations…

Il faut donc faire une grande restructuration au saint de l’équipe nationale mais aussi au saint de l’encadrement qui est un système de corruption. C’est un énorme travail. Cela ne peut se faire que dans une vraie démocratie.

Pour avoir des sportifs de hauts nivaux, il mettre en place des structures et des centres de formation. Il suffit de s’y mettre. Il suffit d’avoir les moyens et les volontés. Au Fouta Djallon par exemple, on peut avoir des athlètes, des grands coureurs comme les Kenyans.

Vous avez été champion du monde au nom de la Guinée. Avez-vous l’espoir de voir un autre boxeur Guinéen battre le record ?

Evidemment c’est possible ! Il y a un vrai potentiel sportif en Guinée. Si on change, on aura des grands sportifs qui battront tous les records existants.

Avez-vous des projets de développement pour la Guinée ?

Oui ! J’ai beaucoup de projets de développement pour mon cher pays. Il y a 12 ans j’ai mis en place un projet qui s’appelle "Les 12 travaux de Lansana". C’est un projet de développement culturel, social, politique et économique. Il s’élargit dans toutes les régions administratives de la Guinée. Il touche également tous les domaines : agriculture, tourisme…

Tout est déjà mis en place. On attend juste qu’il y ait une vraie démocratie pour investir. C’est pour avoir la garantie de la pérennité des investissements. On ne voudrait pas qu’au lendemain de nos investissements, des hommes viennent avec des armes renverser le régime en place et tout remettre en question.

Actuellement, tous les regards sont tournés vers Ouagadougou. Des accords excellents ont été déjà obtenus. Mais l'éventuel exil du Capitaine Dadis est encore en discussion. Comment réagissez vous à cette crise qui touche aussi la junte ?

Un signe très fort a été donné le 15 janvier 2010 à Ouagadougou. Je pense très franchement qu’enfin la transition réussira dans l’apaisement, l’entente, la sérénité, la tranquillité… Mais honnêtement je ne crois pas au retour de Dadis Camara en Guinée.

Aujourd’hui la communauté internationale est contre son retour. Barack Obama a même frappé sur la table en disant qu’il n’est pas question qu’il rentre en Guinée. Je souhaite que les nations unies isolent toutes les personnes qui sont néfastes pour notre pays.

Maintenant que Dadis est dans un autre territoire, c’est une grande opportunité. Pour qu’il quitte ce territoire, il faudra l’autorisation de la communauté internationale. Je crois qu’il va y rester d’abord.

Vous quittez Conakry dans un climat d'incertitude. Avez-vous un message de fin pour vos compatriotes et les lecteurs ?

Je leur dirai que cette incertitude dépend de nous. Unissons-nous pour fonder une nation forte. Enterrons toutes les barrières ethniques. Mettons un terme au vote ethnique dans notre cher pays.

Apprenons à choisir notre leader par son programme. Ne choisissons pas un candidat parce qu’il est peulh, malinké, soussou ou forestier. Choisissons un candidat parce qu’il est compétant et capable de sortir notre pays de la misère.

Propos recueillis par Abdourahamane Bakayoko
Pour Africaguinee.com
Tel : +224 62 600 600

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