Guinéenews© a rencontré ce mercredi aux environs de 11 heures du matin dans son bureau, au cœur du Camp Alpha Yaya Diallo, l’aide de camp du capitaine Moussa Dadis Camara, le lieutenant Aboubacar Diakité dit Toumba, présumé avoir donné l’ordre de tirer sur les manifestants le 28 septembre dernier. Le lieutenant Toumba donne sa version des faits dans un entretien exclusif avec Guinéenews©.
Guinéenews© : Avant de commencer notre entretien, veuillez-vous présenter à nos lecteurs ?
Lieutenant Aboubacar Toumba Diakité : Avant d’entamer cet exercice que vous me demander, je voudrais tout d’abord et en me joignant au président de la République, le capitaine Moussa Dadis Camara qui est le commandant suprême des forces armées guinéennes, m’acquitter d’un devoir, celui de présenter mes condoléances aux familles de tous ceux et de toutes celles qui ont été victimes de ces douloureux événements du 28 septembre. C’est pourquoi, vous me laisserez donc observer avant de commencer une minute de silence à leur mémoire…
Cela dit, je me nomme Diakité Aboubacar, communément appelé Toumba. Je suis l’aide de camp de son Excellence le Président de la République, chef de l’Etat, président du CNDD, Commandant en chef des forces armées guinéennes, le capitaine Moussa Dadis Camara. En même temps, j’assume les fonctions de commandant de la garde présidentielle et coordinateur du régiment commando de la République de Guinée. Je remplis actuellement par la volonté de Dieu et du Président Dadis ces responsabilités.
Au sein des forces armées guinéennes, je suis de la promotion 2001. Avant d’intégrer les rangs de l’armée, je précise que j’ai une formation de médecin. A cet effet, j’ai servi comme médecin chef du détachement des rangers à la quatrième région militaire, je veux parler de la ville de N’Nzérékoré. Là-bas, j’ai assuré la fonction de médecin chef par intérim du Bataillon des commandos rangers basés à Sôrônkôny basé à Kankan. Pour des nécessités de service, j’ai été envoyé à la Direction générale des services de santé des armées au BQG, Quartier Général, pour assumer les fonctions de médecin chef au service de cardiologie des forces armées. C’est de là et toujours pour des raisons de service, que j’ai été affecté à l’école de la gendarmerie de Sonfonia. A partir de là, j’ai bénéficié de la confiance de son excellence, le capitaine Moussa Dadis Camara pour assumer les fonctions de son aide de camp. Poste que j’occupe présentement.
Guinéenews© : Après les événements tragiques du 28 septembre, beaucoup de témoignages vous accusent d’avoir été celui qui aurait conduit la répression contre les manifestants au Stade. Aujourd’hui, que répondez-vous à ces accusations et quelles explications pouvez-vous nous donner par rapport à cette situation ?
Lieutenant Aboubacar Toumba Diakité : Vous me posez une question pertinente et d’actualité d’autant qu’elle concerne aujourd’hui la destinée de notre nation. Je crois sur la foi que je dois dire pour la vérité des faits ce que j’ai personnellement vécu. En effet, c’est au petit matin du 28 septembre 2009, qu’on a été informé du mouvement des partis politiques et la descente de certains militaires à l’encontre des militants de ces partis politiques dont la manifestation avait commencé à prendre une allure débordante en s’attaquant aux édifices publics. Comme on le sait, les militaires habitent de part et d’autre dans les quartiers que dans les garnisons. Nous avons donc appris que les militaires sont descendus pour aller disperser ces militants des partis politiques.
Aussi, comme on le sait tous, le président Moussa Dadis Camara est un homme qui a toujours eu le courage d’affronter les problèmes de l’armée. Comme par le passé, c’est lui-même qui se déplaçait pour aller rappeler la troupe à l’ordre et l’ordonner de replier dans ses garnisons.
Mais, aujourd’hui avec les nouvelles fonctions plus complexes de président de la République qu’il incarne, cela ne pouvait pas se passer comme il le faisait pendant qu’il n’assumait pas cette fonction. Ainsi, lorsque moi je venais, j’ai trouvé le président de la République en position de sortir pour aller faire retourner les militaires et les empêcher de céder à la provocation des leaders de partis politiques. Il n’a jamais été question que les militaires partent parce qu’il avait lui-même promis que les militaires ne sortiront jamais pour s’opposer à la manifestation des partis politiques puisqu’il y a des forces de l’ordre formées pour ce genre de maintien d’ordre. Ce jour, en laissant le président aller en personne dans ce trouble comme il aimait à le faire dans le temps et que par malheur, on ne le souhaite jamais, quelque chose lui arrivait de mal, je pense en toute sincérité que ma responsabilité serait engagée au premier plan. Etant donc son Aide de camp actuel, je ne pouvais en aucun cas me permettre un tel risque pour le pays et pour la vie du chef de l’Etat qu’il incarne. Il fallait que j’assume en toute responsabilité, ce devoir de confiance inestimable qu’on a placée en moi pour assurer sa sécurité. C’est ainsi que j’ai laissé consigne de veiller sur le papa (ndrl le capitaine Dadis). Après quoi, moi, je suis sorti dans la cour. En même temps, j’ai aperçu des militaires partir également. C’était aux environs de 11 heures et la manifestation avait débuté vers les 8 heures. A 9 heures, si mes souvenirs sont aussi exacts, les gens étaient déjà arrivés. Donc, je ne pouvais plus rester. Je devais jouer le rôle qu’en temps normal le président de la République devait jouer en faisant replier les militaires dans les casernes. C’est ce qui a motivé mon déplacement en lieu et place avec son autorisation en tant que son aide de camp de partir sur le terrain et essayer de faire entendre raison aux soldats.
A mon arrivée, j’ai trouvé que la situation avait dégénéré autrement. Il y avait toute une pagaille indes criptible. Des leaders politiques se trouvaient entre les mains de militaires. Et imaginer les conséquences pour le tissu social lorsqu’un leader politique arrivait à perdre la vie dans une telle situation. Comme le président Dadis pouvait s’il était présent sur le terrain, je me suis fais le premier devoir de sauver la vie des leaders politiques. C’est ce qui fut fait. Ces leaders peuvent en témoigner parce que ce sont des personnes d’une probité morale irréprochable. Je vous avoue que j’ai moi-même reçu des coups. A mon tour, je frappais des hommes en uniforme. J’étais très envahi. J’ai fait évacuer les leaders. Il y en a qui ont dû en témoigner. Certains parmi eux affirment que n’eut été la présence de Toumba, ils n’auraient pas eu la vie sauve. C’est ce devoir que j’ai fait au nom du président de la République. Je les ai fait fuir en les embarquant à bord de mon véhicule personnel pour aussi aller rendre compte au chef de l’Etat. Sur les lieux, il m’a ordonné automatiquement en me disant « Toumba, conduit-les à la clinique Ambroise Paré. C’est ce qui a été fait. Par rapport à tout ce que j’apprends aujourd’hui contre moi, je vous assure que ma profession ni ma probité morale ne me permettent pas d’avoir une conduite inhumaine et barbare sur mon prochain. Dès le début, des leaders qui sont des personnalités crédibles aux yeux de l’opinion nationale et internationale, ont affirmé en toute liberté leur reconnaissance à ma personne pour ce rôle que j’ai joué en leur sauvant la vie. Ils témoignent volontiers que grâce à Toumba, le pire a été évité. En tout cas, en ce qui concerne la vie de ces dirigeants de partis politiques. Connaissant les éventuelles conséquences que la mort d’un leader pouvait entraîner pour le pays, je me suis fixé pour premier objectif d’aller les sauver. Cela est facilement vérifiable sur des images que les gens ont pu prendre ce jour. Voyez sur toutes les images, vous ne verrez nulle part la photo d’un béret rouge.
Voilà donc succinctement retracée la réalité des faits malheureux et non souhaités survenus le 28 septembre dernier dans notre pays.
Guinéenews© : En arrivant donc au Stade avec votre groupe quel a été votre constat. Y avait-il eu des morts et des blessés. Si oui, qui aurait donc ordonné aux militaires d’ouvrir le feu ?
Lieutenant Aboubacar Toumba Diakité : Avant d’arriver au Stade du 28 septembre, j’ai dû constater sur mon passage, des traces d’actes de pillages perpétrés par des manifestants. Il y a eu des commissariats incendiés et des édifices publics vandalisés. Des manifestants se sont saisi des armes qui étaient stockées dans ces commissariats. Malgré la gravité d’un tel acte, je n’ai jamais ordonné d’ouvrir le feu parce que je ne vois pas pour quel intérêt je peux ordonner à un militaire d’ouvrir le feu sur des manifestants civils.
Quand j’arrivais comme je l’ai dit ci-haut, on a trouvé sur place une sacrée pagaille au point qu’on ne pouvait même pas prêter attention à ces détails auxquels vous faites allusion. Imaginez-vous depuis onze heures, il y avait cette pagaille qui avait commencé à l’intérieur du stade. On a trouvé une bagarre généralisée. Les uns s’attaquaient aux autres. Il y avait des gendarmes et des policiers là-bas qui peuvent bien en témoigner.
Quand je suis entré, ma première mission a été de sauver la vie des civils et notamment les leaders. Je ne sais pas d’où sont venus les tirs. Puisque d’après le constat des médecins, il n’y a eu que quatre corps qui ont reçu des balles, et ça aussi, nous précise-t-on, par des balles perdues. Qui sait là où ils se sont procurés des armes s’ils ont tiré ou pas. Puisque le militaire s’il doit tirer, je crois ce sont des tirs précis mais pas des tirs incontrôlés. Par rapport à la responsabilité des tirs, je vous affirme que je n’ai jamais donné des instructions dans ce sens. Egalement, je dois vous préciser qu’en arrivant, je n’ai pas constaté de tirs. C’est une pagaille que j’ai constatée entre les forces de l’ordre et les manifestants. Donc, mes militaires n’ont pas eu l’accès. Il a fallu que je m’engage personnellement pour venir sauver les leaders présents à la tribune. Je suis sûr et certain que ces leaders, s’il est vrai qu’ils sont véridiques, ils pourront le témoigner.
Guinéenews© :Pourtant de nombreux témoins affirment qu’au Stade il n’y avait que des bérets rouges qui ont agi et ouvert le feu, qu’en dites-vous ?
Lieutenant Aboubacar Toumba Diakité : C’est ce que je viens de vous dire tout de suite. A travers les images parce que celles-ci ne trompent pas, elles constituent des preuves concrètes auxquelles tout le monde a accès et qu’on peut aussi vérifier très facilement. J’ai la dernière parution du journal panafricain ‘’Jeune Afrique’’ ici avec moi. Vous pouvez le vérifier sur les images qu’il nous rapporte. Et vous allez constater avec moi qu’il n’y a pas un seul béret rouge là-dedans par rapport aux événements du Stade. Je pense que ce sont les forces de l’ordre qui sont là. Et parce que je suppose que l’armée n’est pas formée pour le maintien d’ordre. Donc, on a cette probité morale. Egalement, l’armée n’est pas formée contre sa propre population. L’armée par nature est et doit rester un arbitre dans son pays. Je crois savoir que c’est ce rôle d’arbitre qu’elle a joué en essayant d’épargner la vie des leaders politiques.
Guinéenews© :D’autres personnes et victimes soutiennent qu’il y a eu aussi des cas de viols commis par des soldats, qu’en dites-vous ?
Lieutenant Aboubacar Toumba Diakité : Par rapport aux cas de viols auxquels les gens font allusion, même s’il y a eu des viols, en raison des circonstances dans lesquelles je suis rentré, moi Toumba, je ne pouvais pas prêter attention à cela. Je n’en ai pas constaté. Parce que dès que j’ai embarqué les leaders, j’ai quitté en catastrophe les lieux.
Guinéenews©: En tant que commandant de la garde présidentielle et aide de camp du président que nous diriez-vous par rapport aux affirmations selon lesquelles d’anciens éléments de l’Ulimo seraient infiltrés dans vos rangs ?
Lieutenant Aboubacar Toumba Diakité : Je voudrais dire à ceux qui affirment d’ailleurs sans preuve que la garde présidentielle est infiltrée par des étrangers, de venir le vérifier eux-mêmes ici au camp. Nous n’avons pas d’autres endroits que le camp Alpha Yaya Diallo. Je mets ces affirmations au compte des allégations mensongères. La garde du président Dadis est composée uniquement et exclusivement de soldats guinéens régulièrement recrutés dans l’Armée. Je pense qu’on a suffisamment de bons soldats guinéens formés pour aller prendre d’autres personnes en dehors de la Guinée.
L’armée n’est pas en manque de soldats valeureux pour aller prendre des inconnus je ne sais où pour assurer la protection du président de la République de Guinée. Il n’y a aucun étranger avec nous ici parmi les gardes présidentiels. Ils sont tous sur des listings de l’armée régulière guinéenne. Ceux qui le disent doivent être vraiment à cours d’arguments.
Guinéenews© : Nombreuses sont des personnes qui suggèrent de plus en plus aujourd’hui l’envoi des forces d’interposition en Guinée. Que pensez-vous de cette initiative ?
Lieutenant Aboubacar Toumba Diakité : Je pense que le président de la République a été on ne peut plus clair sur cette question. Ce qu’il a dit est et reste ce qu’il est. Parce que la Guinée n’a vraiment pas besoin de cette force d’intervention. Il n’y a que certaines personnes mal intentionnées qui sont en train d’attiser le feu et de dramatiser les difficultés que notre pays est en train de traverser en ce moment. Le président de la République si je me permets de le paraphraser a dit que la Guinée n’a pas besoin de forces d’interposition et je crois il avait donné les raisons sur lesquelles je ne reviendrais pas ici. Moi, je ne pourrais pas dire plus que ça.
Je dirais que notre pays n’a jamais connu l’intervention d’une quelconque force étrangère sur son sol. Au lieu de soutenir l’envoi de ces forces dont les frais d’entretien seront extrêmement coûteux, je pense qu’on pourrait faire une économie de ces dépenses en acceptant de les investir dans la formation et la restructuration de l’armée tant revendiquée par le président de la République afin qu’elle soit vraiment une armée républicaine digne de nom et comme il en existe ailleurs. L’entretien d’une force d’interposition exige énormément de fonds qu’on pourrait mobiliser pour la réforme de l’armée guinéenne qui en a tant besoin aujourd’hui.
Guinéenews© : A l’arrivée du président Blaise Compaoré à Conakry, beaucoup ont remarqué votre absence sur les lieux de l’accueil à l’aéroport et aux Cases Bellevue. Une absence que certains assimilent à une pression du ministre de la Défense, le Général Sékouba Konaté qui vous aurait même intimé l’ordre de vous effacer carrément derrière le président Dadis. Et il y a même des informations qui indiquent que vous avez fui et que vous seriez activement recherché. Qu’en est-il concrètement ?
Lieutenant Aboubacar Toumba Diakité : Je pense que si cela est comme le disent ces colporteurs de mensonges, cette mesure ne les concerne guère. Elle ne regarde que moi et moi seul. Mais ces boniments ne me dérangent point. Je pense que comme tout soldat de l’armée guinéenne, je suis sous commandement hiérarchique. Je suis vertueux et respectueux de cette hiérarchie militaire. Dans les jours à venir, ceux qui le disent l’apprendront à leurs dépens. Je crois qu’il faut laisser le temps au temps. Car, seul le temps finit par juger et donner raison. Donc, ils sauront si Toumba pour quelles que raisons que ce soit a fui ou va fuir son pays. Je ne sais pour aller sur quelle planète. Qu’est-ce qu’ils reprochent à Toumba ces personnes qui veulent me dénigrer. Qu’est-ce que Toumba a fait ? Je crois avoir agi en tout patriotisme pour sauver la vie des leaders comme l’a voulu et souhaité mon commandant en chef, le capitaine Dadis. Je ne pense pas que cela puisse déranger certains au point d’assimiler cet acte ô combien salutaire à un quelconque acte délictuel. Comment ces mêmes personnes puisqu’elles sont infatigables seront surprises par ce que le temps leur apportera tôt ou tard comme réponse par rapport à ma personne et à mon attitude. Ne soyons pas pressés, avec un peu de patience et de raison les choses se décanteront d’elles mêmes.
Guinéenews© : S’il vous était donné d’adresser un message au peuple de Guinée et aux nombreuses familles victimes de ces événements du 28 septembre, que diriez-vous ?
Lieutenant Aboubacar Toumba Diakité : Le dernier de mon entretien va à l’endroit des victimes et parents de victimes. Pour ce faire, je me joins au président de la République, le capitaine Dadis, père de la nation pour présenter mes sincères condoléances les plus attristées à toutes les victimes de ces douloureux événements survenus au Stade du 28 septembre.
Ces mêmes condoléances s’adressent à leurs familles et au peuple de Guinée. En même temps leur donner l’assurance que nous continuerons malgré ce qui est arrivé à nous confondre à leur cause qui est celle de leur défense. Nous sommes ici pour eux. Il faut qu’ils acceptent de voir bien le fond du problème. Il ne faut pas qu’ils acceptent de créer un clivage entre eux et leur armée. Par ce que nous leur appartenons et nous sommes issus d’eux. Nous devons vivre en parfaite harmonie, la cohésion nationale. Malheureusement, ceux qui veulent diviser ou veulent voir le pays divisé ont tendance à noyer sur ceux qui prônent l’unité et la cohésion de notre patrie commune, la Guinée. Il y en a qui sont actuellement manipulés par l’étranger. Il faut qu’ils se ressaisissent en se souvenant que nous ne vivons pas l’époque de la colonisation. Nous sommes et resterons à leur entière disposition.
Propos recueillis par Camara Moro Amara pour Guinéenews