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Violences politiques -GUINEE-

4 décembre 2009 5 04 /12 /décembre /2009 16:40


Deux mois après le massacre du 28 septembre dernier à Conakry,beaucoup de victimes continuent de souffir en silence.C'est le cas notamment d'une centaine de femmes violées par des hommes en uniforme,qui sont aujourd'hui traumatisées, selon le Président de l'Organisation guinéenne de défense des droits de l'Homme(OGDH9, Dr Thierno Madjou Sow.A Conakry, tous les espoirs reposent sur les enquêtes internationales qui s'achèvent le 4 décembre prochain.Au micro de nos confrères du journal Le Démocrate, Dr Thierno Madjou Sow exprime ses craintes...

Le Démocrate : Monsieur le président, pouvez vous nous dresser un bilan exhaustif des massacres du 28 septembre, après avoir recueilli de nombreux témoignages ?

Thierno Madjou Sow : On n’a pas encore un bilan exhaustif. Nous sommes en train de travailler. Pour ce qui est des filles et femmes violées, nous étions l’autre jour à 102 victimes. Il y en a d’autres sûrement qui sont venues s’ajouter à celles-là. Mais ce qui est du nombre de blessés, je n’ai pas ça en tête. C’est comme les morts, c’est la commission qui est chargée de faire la lumière sur la répression, qui pourra le déterminer après leurs enquêtes.


Par rapport à ces viols perpétrés par des hommes en uniforme, il y a eu des témoignages très émouvants. Il y’a eu un nombre très déterminant de personnes qui ont témoigné. Les enquêteurs disposent énormément d’informations sur toutes ces atrocités. Même si certains négationnistes continuent de dire qu’il n’y a pas eu de viols. On ne peut camoufler cependant la vérité des faits.

Ce qui est grave, c’est que parmi les filles violées, il y’en a qui sont devenues folles. Le traumatisme chez ces victimes est tel, que la simple vue d’un béret rouge les fait fuir.

Le jour de la fête de Tabaski (vendredi dernier, NDLR), j’ai été dans une clinique pour voir des malades qui sont couchés là-bas, le docteur m’a raconté une anecdote. Il s’agit d’un béret rouge qui est venu voir un parent. Il y a une fille qui a vu ça, elle est tombée tout de suite en syncope. Donc le choc émotionnel ne s’est pas effacé chez les victimes. Il y a beaucoup de filles qui avaient repris conscience et on était très contents, mais voilà qu’il y a eu rechute. Je pense qu’il faudra du temps, et avec de l’aide pour les amener à retrouver la stabilité.

Vous savez beaucoup parmi elles ont été raflées dans des centres de santé et internées de force dans des villas pendant des jours. C’est dire à quel point le traumatisme est grand.

Quels sont vos rapports avec les 2 commissions d’enquête constituées pour faire la lumière sur ces tueries ?

Nous sommes en relation avec la commission d’enquête internationale indépendante. Cette commission a dès le début, dépêchée une mission technique de quelques personnes à Conakry, avec qui l’OGDH a travaillé.

Il y a eu aussi la commission des techniciens aussi qui est venue, avec en tout une dizaine de membres dans nos locaux, où pendant 2 jours, nous avons échangé. A présent, les trois membres de la commission internationale indépendante sont arrivés. Nous aurons avec eux, des séances de travail.

Est-ce que vous pensez qu’ils pourront travailler sans obstacles ?

Nous le pensons oui. Vous savez le CNDD et le gouvernement ont rassuré la commission de leur créer de bonnes conditions de travail. Et nous espérons que ça va continuer parce que quand la commission technique est venue, il y a une foule importante de victimes, parmi elles des filles et des femmes violées, des blessés, les gens qui ont des personnes disparues et les parents des personnes assassinées, qui ont pu témoigner librement devant cette commission.

La junte leur aurait demandé de ne pas cependant s’immiscer dans les affaires intérieures de la Guinée, qu’est ce que cela sous-entend-il ?

Bon je ne peux pas faire la lecture, l’explication de textes. Pour cela, je ne sais pas ce que cela voudrait dire, mais de toutes les façons, les cadres qui sont venus sont des habitués des enquêtes internationales. Ayant une connaissance parfaire du Droit international, donc je pense que ces gens ne vont pas s’immiscer dans les affaires internes du pays, ils vont faire leur travail.
Notamment si on considère que le travail qu’ils font, c’est quelque chose qui consiste à s’immiscer dans les affaires internes des Etats, en ce moment on verra à quoi cela mènera.

Les membres de la commission internationale sont arrivés mercredi dernier. Avez-vous eu un contact avec eux ?

Effectivement nous avons eu un contact avec eux. Quand les représentants de cette commission sont venus ici, notamment le Secrétaire général adjoint de l’ONU, (Hailé Menkerios, NDLR), on a eu une séance de travail au niveau de l’OGDH avec lui.

Ensuite il y a des techniciens qui sont venus aussi, avec lesquels on a travaillé aussi. Et dernièrement, il y a une mission technique composée de 10 personnes, des spécialistes en médecine, en Droit international, qui ont rencontré les victimes pour recueillir leurs témoignages.
Les séances de travail se sont déroulées au siège de l’OGDH et dans certains sièges des partis politiques.

Il y a toujours des victimes qui n’ont pas été entendues par les enquêteurs. Et nous espérons que cela se fera dans la paix et la sécurité.

Nous avons appris qu’un défenseur des droits de l’homme a fuit le pays. De qui s’agit-il et pourquoi ?

Bon je ne crois pas. On n’a pas appris si quelqu’un a fuit. Je sais seulement que Diallo Mouctar qui est de l’ONDH (Observatoire nationale des droits de l’homme), qui est lié à la Primature a été arrêté depuis deux ou trois jours. Il serait au camp Alpha Yaya Diallo.

Pour avoir fait une déclaration sur les antennes de la Voix de l’Amérique.

Nous avons pris contact avec certaines organisations et certaines personnes surtout monsieur le directeur de l’ONDH dont il dépend, afin de voir dans quelles conditions se trouvent M. Mouctar Diallo. Et comment on pourrait éventuellement obtenir sa libération.

Craignez-vous personnellement pour votre vie ?


Oui on a toujours une certaine crainte, parce que tout peut arriver dans un pays en proie à l’insécurité. Et surtout avec la cruauté qui a entouré le massacre du 28 septembre.

Je crois que tous les Guinéens sont traumatisés par cette façon de faire des hommes sensés assurer la sécurité dans le pays.

Donc cela veut dire que l’inquiétude règne à chaque moment où nous sommes…

C’est l’occasion pour moi d’inviter tous les Guinéens à s’investir pour que la situation de crise actuelle mène à la construction d’un Etat de droit, un Etat démocratique où la bonne gouvernance sera instaurée.

Je crois que c’est la chose la plus importante que nous devons faire, il ne faudrait plus que les Guinéens soient considérés comme des objets ou des sujets, mais qu’ils soient de vrais citoyens qui gèrent ce pays, c’est ce que nous souhaitons.

Interview réalisée par Alpha Camara
Source :Le Démocrate

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