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Violences politiques -GUINEE-

12 juin 2010 6 12 /06 /juin /2010 09:25

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Le président de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme, Dr Thierno Madjou Sow, est à l’avant-garde du combat pour que la Guinée devienne un véritable Etat de droit démocratique. Il l’a encore une fois démontré dans cette interview accordée à nos reporters, en révélant que son ONG s’est constituée partie civile aux côtés de bien d’autres organisations et associations, dans l’affaire du massacre du 28 septembre 2009, qui a fait 156 morts, selon l’ONU.

L’indépendant : Une mission de la FIDH a séjourné récemment en Guinée. Pouvez-vous nous dresser un bilan de ce voyage ?

Dr Thierno Madjou : Effectivement, une mission de la FIDH a séjourné ici pendant à peu près 12 jours. Elle était composée de 3 personnalités dont Maître Sidiki Kaba, qui a été président de la FIDH qui est actuellement président d’honneur de Florent Kissel, le bureau Afrique de la FIDH et de Maitre Martin Pradel qui est avocat.

L’objet essentiel de leur séjour en Guinée était de s’informer sur la situation dans notre pays, à la veille des élections et surtout après les événements du 28 septembre. C’était l’essentiel. Maitre Kaba en est resté de dimanche au mercredi, qui a suivi. Mais avec les autres, on a pu travailler. Donc il y a eu des visites au niveau des autorités administratives. Et nous avons rencontré par exemple le Premier ministre, des ambassadeurs tels que l’ambassadeur d’Espagne, des Etats-Unis, de France et autres.

On a rencontré la CENI et beaucoup d’autres organisations. Mais malheureusement, nous n’avons pas rencontré les partis politiques. Donc on a eu la situation préélectorale, et aussi la position des autorités face aux événements du 28 septembre.

Alors c’est à cette occasion qu’on a rencontré les avocats guinéens à travers le Barreau.

Ensuite nous avons rencontré les trois (3) magistrats, les trois (3) greffiers, qui ont été désignés pour s’occuper des crimes commis pendant les événements du 28 septembre.

Une occasion dont nous avons profité pour poser le problème du jugement des criminels. Et nous avons aussitôt constitué une partie civile. Je dois vous dire qu’il y a au moins 67 victimes, qui se sont constituées partie civile.

Ensuite les ONG, telles que la FIDH, l’OGDH, L’AVIPA, c’est une association des victimes, parents et amis, la FADIS (Association des familles des disparus) et l’AGORA, se sont constitués elles aussi en partie civile dans cette affaire de répression du 28 septembre.

Nous allons voir qu’est ce que ça va donner, parce que vous savez, on ne peut pas aller directement à la Cour pénale internationale, étant donné qu’elle est une juridiction du second degré. Il faut d’abord poser les problèmes à l’intérieur du pays, quand on constatera qu’à l’intérieur du pays, il est impossible de juger, parce que les gens ont peur, ou parce qu’ils sont incompétents, ou sont sous pression, en ce moment, on peut porter le problème devant une juridiction internationale, telle que la CPI.

Cette mission survient dans un contexte marqué par la lenteur qui entoure le traitement du dossier des victimes du 28 septembre. Que dit la FIDH par rapport à cette affaire ?

La FIDH sait qu’il faudrait qu’on porte ces problèmes devant les juridictions nationales.

Vous savez déjà, qu’il y a eu beaucoup de missions, qui sont venues de l’extérieur telles que la CPI, les systèmes des Nations Unies, le Haut commissariat aux Droits de l’Homme, Human Rigth Wach, Amnesty internationale, la FIDH.

On a eu à rencontrer ici au PNUD, des magistrats, des avocats, pour voir si ces gens pouvaient juger ces criminels.

La conclusion était que ce n’est pas possible. Mais pour aller devant la Cour pénale, il ne s’agit pas de dire que les juridictions sont incapables. Mais il faudrait le prouver à travers des preuves. Notre démarche dans une première étape a constitué à porter plainte d’abord. Nous allons voir ce que cela va donner. On a pris des avocats guinéens, des avocats africains, des avocats au niveau international, des gens très compétents, qui ont une renommée au niveau internationale.

A ce jour peut-on connaître le nombre d’associations des victimes de la répression ?

Actuellement il y a AVIPA (Association des victimes parents et amis), il y a FADIS (Association des familles des disparus). Ce sont les deux (2) que je connais à ce jour.

Vous ne pensez pas que les violations des droits de l’homme ont un peu diminué en Guinée ?

Enfin, il est très difficile de dire que ça a diminué. Peut être que les violations des droits civils, et politiques peuvent avoir diminué, mais les violations des droits économiques et sociaux et culturels et autres violations de l’environnement, ont eux augmenté. Parce que le Guinéen devient de plus en plus pauvre. La misère s’accentue, donc ces violations s’aggravent et même dans le domaine du droit civil et politique. Et dernièrement quand on a rencontré le Premier ministre, on a trouvé là, le ministre de la Sécurité le général Mamadouba Toto Camara, à la veille, je crois, il y avait eu une atteinte très grave aux droits des personnes.

Il y avait un monsieur qui venait des USA qui a été tué, qui avait une très jolie voiture, et ils ont pris sa bagnole. Ils ont retrouvé la bagnole, je crois que certaines personnes avaient été arrêtées, qui avaient participé à cela. Donc l’insécurité persiste encore en Guinée.

A votre avis les élections du 27 juin vont-elles marquer une rupture avec la malgouvernance en Guinée ?

Normalement, ça devrait marquer, parce que ça serait la première fois qu’on aurait des élections justes, libres et transparentes. Vous savez que d’après la conception de la démocratie bourgeoise, vous savez que sous la première République, il y avait un seul parti politique dont un seul candidat. Donc il y n’avait pas de problème.

Ensuite sous le régime de Lansana Conté, vous savez le multipartisme ça existait mais il n’y avait en réalité pas d’élections. Lansana Conté s’accaparait de toutes les mairies de Guinée, tous les députés uninominaux. On lui a tout donné effectivement. Il n’y avait pas de vote. Moi j’ai participé aux élections, j’ai vu comment ça s’est passé, mais actuellement on pense qu’il n’y a pas de candidat lié au pouvoir actuel. Donc on peut penser que le pouvoir est neutre. On peut penser qu’il est neutre on ne sait jamais.

A partir du moment où il est neutre, on peut dire que les élections seront libres et transparentes. L’idée qu’on a c’est une théorie et la politique on ne sait pas exactement ce que ça peut donner.

Et il faudrait naturellement, que tous les partis se lèvent, et que toutes les structures qui luttent se donnent la main pour que cette transition finisse bien.

Quelle est votre lecture des préparatifs de ce scrutin ?

Les préparatifs de ce scrutin, tout le monde se plaignait l’autre jour quand on a été à la Primature. On nous disait qu’il n’y avait pas de problèmes techniques qui se posaient.

 Mais cela vient de quoi ? C’est qu’en Guinée, nous sommes habitués à l’amateurisme. On ne fait pas de travail scientifique. Si nous, nous avions obtenu des possibilités d’organiser un forum national, nous aurions pu diagnostiquer les problèmes auxquels le processus électoral est confronté. En vue de définir des priorités.

C’est à partir de là, qu’on aurait pu établir une feuille de route. Mais on n’a fait aucune feuille de route. On s’est levé un matin pour fixer la date des élections, sans savoir soupeser tous les problèmes, qui existent, analyser toutes les difficultés, afin de voir comment les déposer.

L’OGDH va-t-elle déployer des observateurs sur le terrain le jour du vote ?

Pour le moment, cette année on n’a pas encore décidé de le faire. Nous avons une invitation ici au niveau des ONG pour une rencontre à 15h (mercredi dernier, NDLR). C’est ce matin que l’ai reçue, on va voir comment on va organiser cela. Mais nos bureaux qui sont à l’intérieur du pays vont participer effectivement à l’observation des élections.

Des rumeurs ont attribué récemment au président de la CENI une démarche visant à reporter le vote du 27 juin. Avez-vous une réaction par rapport à ces allégations ?

Vous savez on ne peut pas s’occuper des rumeurs. De toutes les façons, la CENI a dit que les élections auront lieu le 27 juin. Le CNT a dit que tout est prêt. C’est sur cela que nous allons travailler.


Propos recueillis par Saïdou Hady et Abdoulaye Porédaka
L’Indépendant

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