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Violences politiques -GUINEE-

13 juillet 2010 2 13 /07 /juillet /2010 21:59

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Il a fallu une forte mobilisation des représentants des institutions républicaines et de toute la classe politique pour dissuader Konaté contre toute démission, avant que le processus de transition n’arrive à son terme. Comme nous l’a confié, Elhadj Mamadou Saliou Sylla, 2e Vice-président du CNT, qui était au cœur de cette médiation. Entretien.

Le Démocrate: Face aux accusations portées contre sa personne par l’Ufr de Sidya Touré, le général Konaté avait menacé de démissionner. Comment cette grave « menace» qui pesait sur la transition, a-t-elle pu être dissipée, Elhadj Mamadou Saliou Sylla, vous qui avez pris part aux conciliabules ?

Elhadj Mamadou Saliou Sylla : Je voudrais vous dire que le Conseil National de la Transition (CNT) a vu cette crise venir. Et par conséquent, il a essayé de prendre toutes les dispositions nécessaires pour éviter des dérapages qui peuvent être assez préjudiciables à la résolution de la crise guinéenne. Donc dès le report de la proclamation des résultats provisoires du premier tour, le CNT avait senti le malaise venir. Immédiatement, le bureau exécutif élargi à quelques conseillers s’est réuni pour voir ce qu’il faut faire : examiner la situation, l’analyser en vue de prévenir tout dérapage malheureux. Il fut donc décidé de rencontrer les institutions républicaines, les Coordinations des confessions religieuses, les Coordinations régionales pour que chacun fasse une déclaration de retenue et d’apaisement. Des délégations du CNT ont été envoyées au Conseil Economique et Social (CES), au Conseil National de la Communication (CNC), aux imams de la grande mosquée Fayçal, au Secrétaire général des Affaires religieuse et aux Coordinations régionales. C’est ainsi que successivement, toutes ces institutions ont fait des déclarations diffusées sur les antennes de la RTG. Malheureusement cela n’a pas empêché une marche de protestation des femmes de l’UFR en tenue rouge. Le CNT ayant eu vent aux préalables de cette mobilisation, le bureau exécutif du CNT s’est rapidement retrouvé autour de sa présidente, Hadja Rabiatou Sérah Diallo. Il a été question de saisir le gouvernement pour échanger sur les dispositions à prendre. Madame la présidente a ainsi donc communiqué avec le Premier ministre ainsi que le ministre d’Etat à la Sécurité. De son avis, il fallait éviter de réprimer la manifestation mais plutôt chercher à l’encadrer pour éviter tout dérapage. Le deuxième vice-président s’est rendu chez le président de l’UFR pour lui exprimer ses inquiétudes et celles du CNT. Ce dernier a indiqué n’avoir pas ordonné les manifestations qui ont eu lieu, dit-on, spontanées suite à la découverte d’urnes à Matam. Il nous a dit avoir tenté de dissuader les marcheurs jusqu’à 23 heures. Toutefois, la marche ayant eu lieu avec des pancartes et des propos injurieux, le CNT, fidèle à sa vocation de paix et de stabilité pour une sortie apaisée de la crise guinéenne a, de nouveau, pris contact avec toutes les institutions, les imams et pour rencontrer ensemble le président de la République afin qu’il transcende de façon imperturbable, les évènements et pardonner l’offense, conduire la transition jusqu’à son terme. Le chef de l’Etat a accepté de recevoir sur la demande du CNT, les Institutions républicaines et les religieux, musulmans et chrétiens. Au cours de ces audiences et après intervention de Monseigneur Albert Gomez et de l’imam ratib, Elhadj Ibrahima Bah de la grande mosquée Fayçal, le chef de l’Etat a demandé tout en remerciant les initiateurs que ce soit plutôt ceux qui l’ont offensé s’expliquent. La rencontre avec les imams a eu lieu à sa résidence à Boulbinet. Le CNT a donc demandé aux imams de continuer la lecture du Coran pour la Paix et la réconciliation. Au même moment, à la demande de madame, la présidente du CNT, les deux vice-présidents, l’imam, Elhadj Mohamed Lamine Sy de Fayçal et les représentants des confessions chrétiennes se sont rendus encore une nouvelle fois au domicile de monsieur Sidya Touré pour essayer de trouver une solution à ce problème et l’amener à rencontrer le Chef de l’Etat. Ainsi, après explication avec Sidya, il a donc finalement accepté de nous suivre. Il est monté dans la voiture de Monseigneur Albert Gomez pour se rendre à la présidence de la République. Arrivé, Monseigneur Gomez a présenté la situation et Sidya s’est expliqué. Il s’est entretenu avec le président. Par la suite, en tant que deuxième vice-président du CNT, j’ai pris la parole pour demander au général Konaté d’accepter les excuses. J’ai cité en conséquence ce qui est arrivé au prophète de l’Islam qui a été lapidé, insulté et chassé de la Mecque et de Thaïf. De la même façon, j’ai expliqué pour les chrétiens ce qui est arrivé au prophète Jésus. Celui-ci a eu toutes les peines du monde, il a été insulté, frappé et crucifié. Mais, ces grands prophètes ont finalement dit : ‘’ Dieu ! Pardonnez-leur.» Nous avons demandé donc au président de pardonner. En définitive, à notre entendement, le chef de l’Etat a ainsi accepté de pardonner. Le CNT a poursuivi son offensive auprès de toutes les institutions pour continuer à calmer la situation afin que le chef d’Etat comprenne qu’il ne peut pas nous abandonner en route. Nous lui avons dit que nous CNT, nous sommes avec lui et resterons avec lui jusqu’à la résolution définitive de la crise guinéenne. C’est-à-dire jusqu’à la mise en place d’un gouvernement stable qui, finalement, conduira ce pays à la paix et à la sécurité. Voilà ce qu’on a pu mener au niveau du CNT. Je ne dis pas que c’est nous qui avons résolu la crise. Mais nous en avons été pour beaucoup. Toutes ces mobilisations qu’il y a eues, que ce soit au niveau des institutions internationales, des confréries religieuses, des Coordinations régionales, toutes ces discussions et démarches ont été d’une manière initiées grâce à l’initiative de la présidente du CNT.

Est-ce que le président de l’UFR a reconnu sa responsabilité, d’une manière ou d’une autre, dans la manifestation de rue de ses militants et leur attitude vis-à-vis du chef de l’Etat ?

Le président de l’UFR a en principe déclaré qu’il est désolé pour ce qui s’est passé. Mais qu’il n’a jamais ordonné aux gens de sortir protester et surtout insulter et que son parti est connu depuis plus de dix ans en Guinée comme étant un parti pacifiste. Il a indiqué que l’UFR n’a jamais été un parti de casses. Il a aussi remarqué que son parti ne s’est jamais associé à une quelconque manifestation ayant dégénéré en casses et autres violences. Il dit que de par les responsabilités qu’il a occupées, lui, il ne peut pas être quelqu’un qui peut brûler le pays. Il a regretté ce qui s’est passé. Il s’est donc entretenu ave le général Konaté et ils se sont sans doute dits certaines choses que nous n’avons pas entendues. Ils se sont retrouvés à deux pour se parler pratiquement dans les oreilles. Car nous, nous étions un peu loin. On ne sait pas finalement qu’est-ce que les deux se sont finalement dits. Mais toujours est-il que l’atmosphère était détendue. On entendait seulement le président la République, le général Sékouba Konaté dire : « Toi, tu m’as déçu! » Ce mot, nous l’avons entendu. Je crois qu’ils se sont expliqués et il a dû lui dire qu’il est désolé pour ce qui s’est passé et qu’il n’y pensait pas.

A quelques jours du deuxième tour de l’élection présidentielle, quels conseils avez-vous à prodiguer aux candidats en lice et à leurs militants respectifs afin que la fragile paix qui prévaut actuellement ne soit plus de nouveau ébranlée ?

C’était vraiment beau ce qui s’est passé en Guinée. C’était le signe patent de l’espoir. Tous les guinéens finalement disaient enfin la Guinée va sortir de l’ornière. Le monde entier nous regardait et nous admirait. Partout en Afrique, on disait, voilà ce que les guinéens ont pu faire en 6 mois de transition. Alors qu’ailleurs, cela peut mettre des années qu’on tente d’organiser des élections réussies et que l’on ne les réussit pas. C’était un exemple qui pouvait servir non seulement à la sous région mais à toute l’Afrique. Si donc le ciel s’assombrit un peu cela ne doit pas nous décourager. Dieu nous éprouve. Nous, musulmans, nous disons que tout événement qui arrive peut être la volonté de Dieu mais il donne les solutions. Il nous éprouve pour savoir si nous avons foi en lui. Si des difficultés arrivent et que nous avons foi en lui, il nous aide à les transcender. Il faut que, et nous, CNT et le gouvernement et le chef de l’Etat, chacun s’y mette pour que la Transition sous la houlette du général Konaté soit conduite à son terme. Il doit accepter le pardon et s’il a accepté le pardon, un pardon doit être total, pas limité. Pour tous ceux qui l’ont offensé, il doit accepter le pardon et tourner la page. Car, il est le père de la nation et certains grands hommes comme les prophètes que j’ai cités ci haut, Georges Washington lors d’une conférence, on l’a insulté, il a répondu que cela se brosse. Il a brossé sa veste. Ce qui veut dire que ça s’enlève et ne reste pas. Il ne faut pas qu’il comprenne que c’est de lui seul qu’on parle. Les allemands disent laissez les gens parler parce qu’ils parlent de tout le monde. Alors, on doit comprendre que la vie est faite comme cela. Si le chef de l’Etat accepte, ce pays sortira de l’ornière.

Le CNT a-t-il envisagé quelques dispositions en vue d’éviter de retomber dans une telle situation à l’avenir ?

Je dirais oui. Nous continuons d’observer et de redoubler la vigilance. Chaque fois que nous avons vent de quoi que ce soit, nous nous impliquons pour enrayer toute velléité de déstabilisation et le CNT continue aussi sa politique de réconciliation nationale. Nous sommes en rapport avec les institutions républicaines, religieuses. Nous pensons que personne ne doit s’arrêter. Nous devons continuer à donner des conseils, à appeler le peuple à la paix. Car, nous avons tous intérêt à la préservation de cette paix. La Guinée n’a pas droit de déraper dans cette situation. Nous n’avons pas le droit de décevoir non seulement nous-mêmes, le monde, ainsi que les pays africains qui nous regardent.


Interview réalisée par Camara Moro Amara
Le Démocrate

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